Petits matins féelins

Petits matins féelins

Tous les matins c’est pareil, quelle que soit l’heure
Jeannette m’attend
Si je traînaille sous la couette, elle veut bien être patiente
Mais j’ai rarement l’occasion de traînailler au lit. C’est bien la raison pour laquelle Jeannette respecte ces rares moments de détente.
Par contre, elle apprécie peu mes heures d’ordinateur
Comme bien des épouses, paraît-il …
Mais Jeannette n’est pas mon épouse, c’est l’esprit de la maison : un beau chat noir aux yeux jaunes.
Or donc, elle trouvera le moyen de faire tomber un pot, un arrosoir pour me faire comprendre qu’elle s’impatiente.
Mon travail peut attendre.
Ce matin, la pluie égrenait ses mots tendres et fluides sur la pierre.
Tu t’enveloppes d’une grande couverture pour aller jusqu’au hangar aux araignées
C’est là, dans cet endroit omni fonctionnel, que chacun nomme indifféremment : garage, atelier, range-vélos, débarras, maison des chats …
Que Jeannette a élu domicile
Ses quartiers
Elle les partage avec un jeune Félix bien dodu, un rien canaille
C’est un ami qui l’a ramassé un jour sur la route
Depuis il est devenu le fils adoptif de Jeannette.

Croyez-vous qu’ils meurent de faim ?
Pas vraiment … Juste qu’ils ne sauront pas manger (comme on dit dans mon Nord natal) sans que je ne sois à leurs côtés. Pour la peine, j’ai récupéré chez Marthe (89 ans bientôt et une santé d’acier) un vieux tabouret en formica des années 70. Inusable (comme Marthe) et très classe … comme Marthe, le jour où je parviendrai à lui faire comprendre que l’auto-bronzant, encore faut-il l’appliquer uniformément, et si possible avec ses lunettes sur le nez. Mais Marthe est une coquette. Dans sa tête, elle a encore 20 ans. C’est sa force. Nous partageons les mêmes gènes, la même myopie … mais pas la même approche des cosmétiques.

Mais revenons à Jeannette et Félix. Parce que ça dure, cette cérémonie des croquettes. D’abord, impossible de commencer sans en ajouter dans leurs gamelles, pourtant bien pleines : il faut qu’ils te voient en mettre. C’est comme moi avec le sel …

Ensuite, s’asseoir et attendre. Les écouter ronronner, dans le doux crépitement de la pluie, le frémissement des toiles d’araignées, en pleins courants d’air

Voir la tête de Jeannette qui ne manquera pas de vérifier régulièrement, d’un coup de prunelles stridentes, si tu es toujours là, si tu les regardes.

Chaque matin, c’est comme ça. Je ris de moi, dans la vieille couverture, assise bien droite, toujours un rien coincée, sur mon tabouret seventies, entre une trottinette et la brouette, sous un Père Noël en toile de parachute. Maintenant je me suis fait un petit coin, aussi. Quelques magazines, mon tabouret : manquent plus que deux croissants et un café à la chicorée. Parfois j’y pense et c’est le pied.

Un jour j’ai lu que l’art des confitures, c’était l’école de la patience. C’était dans une préface de Jean-Pierre Coffe, pour le Larousse des Confitures de Christine Ferber. Celui des chats, aussi. Quand je travaille, je n’ai pas le temps de nous offrir ce rituel. Je constate alors que mes journées seront moins zen.

A tout bientôt sur ma planète

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